Agra
5h du matin : nous nous réveillons et grimpons sur le toit-terrasse de l’hôtel. Il fait frais. Nous distinguons le dôme du Taj Mahal dans la faible lueur matinale.
Progressivement, le soleil pointe son nez. Le Taj est là qui nous fait face, majestueusement, entoure de ses minarets. Je mitraille toutes les 5 minutes avec mon appareil photo, pour suivre l’évolution de la lumière et des couleurs. Mais à cause de la pollution ambiante et du ciel toujours gris à Agra, les reflets bleus de l'aube ne sont pas au rendez-vous.
L'unique chambre de l’hôtel avec vue sur le Taj vient de se libérer. Elle se situe sur le même étage que la terrasse du restaurant. Un coup d’œil et nous sommes conquis. La chambre est spacieuse. C'est presque une suite : avec une table, deux chaises, un canapé, un grand lit et de la place pour poser les valises. La grande fenêtre (à barreaux à cause des singes) dispose d'un large rebord pour s’asseoir devant. Maintenant c'est sur, je ne quitterai plus le Taj des yeux. Afin de l’apprivoiser en douceur et d’apprécier à leur juste valeur les monuments de moindre importance, nous commencerons par visiter ces derniers.
Akbar, le plus grand empereur moghol, entrepris la construction de son mausolée en mêlant différents styles. 
Une impressionnante porte en grès rouge, ornée de motifs géométriques en marbre blanc, donne sur un grand parc ou gambadent des antilopes, écureuils et échassiers blancs.
Au centre du jardin repose le mausolée. Un étonnant système d'arcades crée un écho qui permet de communiquer d'un angle à un autre du chemin extérieur.
Nous traversons le fleuve Yamuna pour jeter un œil au Chini-ka-Rauza.
Au bout d’une allée bordée d’arbres se cache le tombeau bien délabré du poète et ministre Afzal Khan. Il devait être beau quand ses murs étaient couverts en totalité de faïences bleues. Autour s’amuse un groupe enfants pauvres. Tandis que les buffles se baignent dans le fleuve.
L’Itimad-ud-Daulah surnommé baby Taj vaut nettement plus le déplacement. Ce tombeau fut construit (de 1622 à 28) pour Mizra Ghiyas Beg (un ministre persan) par sa fille.
Une porte en grès rouge, ornée de motifs floraux et de vaisselle blanche ouvre sur un petit jardin où courent singes et écureuils.
La Yamuna s’écoule en toile de fond.
Le petit mausolée de marbre blanc s’élève au cœur du parc. C’est le premier édifice moghol construit entièrement en marbre.
Ses façades extérieures sont ornées de pietra dura : ces fines incrustations de pierres. Alors que les fresques à l’intérieur sont peintes.
Vers 16h, quand la lumière se fait plus douce, nous nous dirigeons vers le parc Mehtab bagh. Nous ne visiterons pas ce jardin moghol. Nous nous trouvons sur la berge de la Yamuna, à moitié sèche, juste en face du Taj. Aucune construction, aucun arbre ne se trouve entre le monument et nous, nous laissant admirer sa façade arrière dans le calme, loin de la foule.
Nous retraversons le fleuve en auto-rickshaw. Le jeune chauffeur, étudiant, fait ce job pour financer son futur mariage. Il nous demande s’il peut nous emmener dans quelques magasins d’artisanat afin de toucher des jetons d’essence (et 2% de commission si l’on achète un article). OK, c’est parti pour les magasins de marbre. Au bout de quelques boutiques et de plusieurs heures de négociation, Christophe a trouve l’échiquier de ses rêves. Sur le plateau de marbre blanc, les cases en pierres noires sont entourées de fleurs en lapis lazuli (bleu) et malachite (verte). Les pièces proposées avec ne sont pas extraordinaires. Le marchand nous en fera venir d'autres pour le lendemain.
Nous avons un bon contact avec les deux vendeurs qui nous invitent à souper. Il nous offre du rhum et des chips. Dans la petite kitchenette derrière le bureau, Christophe apprend à préparer un butter chicken masala. Pendant ce temps, je fais connaissance avec le sympathique propriétaire du bâtiment. Un jeune indien élégant et mignon, qui fait des études de droit. Enfin nous nous régalons des saveurs épicées du poulet avant de regagner notre Guest House.
Réveil à 5 du matin. Nous avions prévu d'aller voir le Taj Mahal de plus près, avant que la foule ne soit trop écrasante. Christophe ayant des migraines, finalement après le lever du soleil depuis la chambre, nous retournerons nous coucher. Le reste de la journée sera consacre au repos dans le quartier.
Taj Mahal vue depuis la chambre d'hôtel:
matin
midi
soir
C'est ce soir là, en allant sur internet, que j'ai découvert le mail de mon chef, datant d'une semaine. Il m’annonce que Jaeger-LeCoultre commencera le chômage partiel en novembre et que je devais solder mes vacances. J'en avais gardé quelques jours pour les urgences. Il me propose de ne reprendre le travail que le 23 novembre, au lieu du 2. Soit 3 semaines de voyage supplémentaire. Je passe la soirée à cogiter : côté budget (voyage plus long et salaire plus bas), factures, courrier, rendez-vous... Il faut que je prévienne les voisins qui arrosent nos plantes et ils n'ont pas internet. Christophe me convainc de prolonger le voyage. Il mettra une partie de l’héritage reçu suite au décès de sa grand-mère, cela fera un bon souvenir d'elle.
Notre deuxième tentative de visite du Taj Mahal sera la bonne. Nous nous y rendons au lever du soleil. Il n'y a encore que peu de monde. Cela permet de faire facilement de belles photos. Vive le numérique car nous mitraillons tellement le spectacle est époustouflant. (voir l'album ci-contre).
Le Taj se reflète dans les canaux de l’allée principale, bordée de cyprès.
A gauche se trouve la mosquée, à droite le jawab : deux bâtiments identiques, en grès rouge sculpté de fleurs.
Entouré de quatre minarets blancs de 40 mètres de haut, le Taj est surélevé sur une plate-forme en marbre.
L’intérieur est constitué de marbre blanc semi-translucide, sculpté de fleurs et incrusté de pierres semi-précieuses. Le faux tombeau (le vrai est dans la crypte) est entouré d'un treillis de marbre.
Apres 3 heures d’éblouissement, nous quittons ces lieux enchanteresques et laissons place à la cohorte des visiteurs de la journée.
De retour au Guest House, nous entreprenons de régler les formalités suite à la prolon gation de notre voyage. En Inde tout est possible, mais il ne faut pas être pressé. Nous mettrons la journée à faire repouss er le bil let d'avion au départ de New Delhi, du 30 octobre au 20 novembre.
Dans 3 jours notre voyage aurait du prendre fin. Par chance nous avons 3 semaines de rab. C'est à la fois beaucoup et peu pour un si grand pays. Où aller maintenant ?
Assis à la terrasse de notre daba préféré, le "Treat Restaurant", nous feuilletons le Lonely Planet sur l'Inde du Nord. C'est sur l’Etat du Bengal-occidental, à l'est vers le Bangladesh, que va se porter notre choix.
Le Treat Restaurant est un établissement qui comporte seulement 6 tables dont 3 à l’étage qui surplombe la place où les rickshaw-wallers attendent le client. Nous l'avons découvert en marchant dans le quartier le premier soir. Le gamin nous a fait l'article pour le petit déjeuner à 25 Rps. Christophe était septique tellement c'est bon marché. Nous l'avons essayé et adopté comme dit la pub. Depuis nous y mangeons matin et soir. C'est le 1er restaurant d'Inde dans lequel nous trouvons du bœuf : de délicieux steaks grillés.
La terrasse surplombe une rue où passe un cortège funéraire. Le défunt est porté en hauteur sur un brancard. Couche sous un drap, son corps est recouvert de fleurs de tagète (œillet d’Inde pour les Français). Plus tard se sera un troupeau de bufflonnes qui passera.
La matinée fut nécessaire dans une agence de voyage pour acheter un billet d'avion à destination de Bagdogra (vers Dargeeling). Mais le plus complique reste toujours la poste. Nous pensions rentrer en Suisse quand Christophe a acheté son échiquier de 2,5 kg en marbre et moi diverses autres babioles. Nous emballons tout ça soigneusement dans un carton avant de nous rendre à l'office de poste. Ce fut encore pire que les fois précédentes. Apres l'avoir attendu 45 minutes, un employé nous fait ouvrir le carton et le vider pour en vérifier le contenue pour la douane. On n'y avait pas encore eu droit à ça. Au moment de refermer le colis, il n'a pas de scotch. Il finit par trouver un bout de ficelle. Puis nous devons coudre autour le traditionnel tissu blanc. Et là, il faut cacheter les coutures au guichet voisin. Mais la cire à cacheter est épuisée et l’employé veut qu'on aille lui en racheter. On gueule un peu et il finit par racler son creuset et cacheter notre colis.
Pour s’imprégner une dernière fois de l’atmosphère de la vielle ville, nous nous rendons au bazar (le Kinari Bazar). Une vraie fourmilière. Près de la mosquée Jamaa Masjid se succèdent des centaines d’étals de fruits, ustensiles, vêtements etc. Les rickshaws essayent tant bien que mal de circuler au milieu des piétons agglutinés.
Nous nous enfilons dans une ruelle à l’écart du tumulte. Chris boit un chaï pendant que des enfants me font visiter leur ferme (vaches et cheval maigrichons).
Lors de notre dernier souper au Treat Restaurant, steak de bœuf oblige, une disco mobile passe dans la rue en contre bas.